Issue d‘une famille d‘horticulteurs et de marins, ma recherche est centrée autour des questions du vivant, de la structure clanique, du lien et de l‘appel de l‘aventure. Mon approche relève de la fable documentaire ou encore du "réalisme magique". J‘explore des lieux interlopes, inaccessibles, où le danger et le mystère planent : l‘ancienne pépinière abandonnée de son père, un volcan endormi, les vagues d‘un barrage, la géologie d‘une terre bouleversée par les conflits et les tremblements de terre en Arménie, un jardin-laboratoire au pied d‘un glacier sur le tracé de l‘épopée d‘Hannibal dans les Alpes.
Les personnages marginaux et l‘univers irrationnel me fascinent, depuis plusieurs années, j‘ai photographié des communautés masculines tels des élagueurs et jardiniers ; ou encore deux frères, sortes d‘enfants-loups, vivant en autarcie au-dessus d‘un relief inversé en Ardèche ; l‘itinéraire de mon arrière-grand-père Capitaine de vaisseau par le prisme des superstitions de marins ; des contrebandiers et autres déserteurs à la frontière italienne et espagnole ; un groupe d‘hommes détenus qui échafaudent ensemble un langage codé.
La question du récit et de la métamorphose sous-tend l‘ensemble de mon travail, il s‘agit souvent de l‘invention d‘un destin individuel clivé au sein des rituels d‘un groupe. Mon approche plastique est sensorielle, immersive, parfois hallucinée. J‘utilise souvent la lumière de l‘éclipse, les symboles, les monochromes proches de la couleur des rêves, de la sidération, qui nous transportent vers un renversement des valeurs de ce monde.

Marine Lanier, 2020