Des échos
- Nina Ferrer-Gleize, 2013

Il faut commencer par les visages ; il faut commencer par les visages parce qu‘ils ne sont que deux. Ce sont des visages d‘hommes. Des visages rigoureux aux travail, le cou et les épaules couverts d‘un ciré vert marqué comme seuls sont les cirés. Pliés et lisses tout à la fois. L‘un des visages nous regarde, l‘autre a les yeux baissés ; il y a comme une faille à l‘endroit tout noir de l‘ombre de ses paupières, et l‘on s‘y perd.
Les visages sont là. Derrière il y a les arbres, verts comme les cirés. Les visages sont si près qu‘ils s‘avancent vers nous, tandis que le vert du vêtement et les arbres se reculent et se taisent. Les visages sont en relief ; ce qui a du relief se gravit et s‘explore.
On est face à ces visages et c‘est comme lorsqu‘on est en marche ; tout à la fois à l‘intérieur du paysage, lui appartenant, et en même temps en retrait, en pleine contemplation de ce qui, toujours, se place face à nous alors qu‘on est dedans.
Les quelques rides sur le front, la commissure des lèvres, la frontière entre le gris du crâne rasé et la peau rose, comme un rivage. La force de ces visages réside dans ce relief : si l‘on passait la main sur les images, on sentirait du bout des doigts la pente du nez, l‘arrondi du crâne, le creux entre la bouche et le menton. On fermerait les yeux et on imaginerait le paysage à travers ses dénivelés, ses matières tantôt rugueuses, tantôt douces ; tantôt immobiles, tantôt tressaillantes.
On n‘aurait qu‘à fermer les yeux devant les images et y passer la main. On ne regarde pas ces visages ; on les sent. Il y a quelque chose qui respire.
Ces hommes qui ont été photographiés, ils ont été saisis au petit jour ou à la fin de la journée, ils sont en plein labeur. Ils ont le visage moite et sale. On imagine leurs mains crevassées et durcies. On imagine tout ce qu‘on ne voit pas, puisque le plan se concentre sur le visage. On imagine le lieu, l‘époque, la tâche à accomplir. Ils sont dans la nature, ils la transforment et la travaillent. Ce sont des guerriers sans doute ; ils ont le front haut et l‘air décidé.

Les visages ont des noms ; les visages s‘appellent Suie et Crâne.

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En littérature, on appelle synecdoque la figure de style qui consiste à désigner un ensemble par des éléments qui le constituent. Les titres des photographies de Marine Lanier sont des synecdoques ; ils s‘attachent à la partie pour le tout, au détail pour l‘ensemble.
Marine Lanier tient beaucoup au mot « close up » pour décrire sa démarche photographique et ses choix de cadrages. Elle travaille essentiellement en plan resserré, et cherche toujours à aller au plus près de ce qu‘elle photographie. Paradoxalement, elle travaille avec une chambre photographique, imposant appareil qui par sa raideur et son poids impose une certaine distance d‘avec le sujet. Avec sa chambre, elle se rend dans la nature, dans les grands espaces. Il semble que la démarche de Marine Lanier passe sans cesse du détail vers l‘ensemble, de l‘ensemble vers le détail. Ici, démarche n‘est pas à entendre seulement pour désigner une approche de travail ; il s‘agit bien aussi d‘un mouvement du corps et de l‘appareil photo qui l‘accompagne, se penche et se relève, s‘approche et se recule.
Le gros plan est largement utilisé dans les débuts du cinéma, entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Les films étant muets, mutiques, on privilégie l‘émotion véhiculée par les objets, ou les corps transformés en objets par leur isolation d‘un contexte. Le gros plan est le cadrage le plus admiré par les spectateurs à l’œil neuf des premiers films muets : il propose une échelle du regard inédite, il a le pouvoir de transformer, de transfigurer ce qu‘on voit. « Le cinéma peut devenir le gigantesque microscope des choses jamais vues et jamais ressenties. […] Je soutiens qu‘une planche qui bouge lentement en gros plan est plus émouvante que la projection en proportions réelles d‘un personnage qui la fait mouvoir . », écrit Fernand Léger en 1925.
Les images en close up de Marine Lanier procèdent de cette même échelle du regard, qui transforme l’œil en microscope et isole des parties du paysage ou des hommes pour leur faire raconter autre chose. Se rapprochant, les images prennent de l‘ampleur.
Parlant de l‘écrivain Thomas Browne, W.G. Sebald écrit : « [Il tentera] sans cesse, procédant par la pensée et par l‘écriture, de contempler l‘existence terrestre, les choses les plus proches de lui comme les sphères de l‘univers, du point de vue de quelqu‘un d‘extérieur (...). Et pour atteindre le degré d‘élévation que cela nécessitait, il n‘avait d‘autre moyen que de voler à haute altitude, dangereusement, sur les ailes de la langue. (…) Quand il se laisse porter, tel un adepte du vol à voile aspiré par les courants d‘air chaud, de plus en plus haut, (...) même le lecteur d‘aujourd‘hui a le sentiment d‘entrer en lévitation. La vue devient plus claire à mesure que l‘éloignement augmente. Les plus petits détails vous apparaissent avec une étonnante précision. C‘est comme si l‘on avait l’œil à la fois collé à une longue vue retournée et à un microscope . »
Il s‘agit ici du mouvement inverse, de s‘éloigner pour voir plus près, mais il semble que cela soit la même chose que de se rapprocher pour voir plus loin ; dans les deux cas, il s‘agit de prendre simultanément deux directions opposées, et, l’œil face au dépoli, de pouvoir contempler tout à la fois les constellations les plus éloignées, et les minuscules reliefs des lichens les plus proches. L‘image ainsi, condense ces deux extrêmes. Isolant une partie, un détail, elle les transforme en paysage, en quasi-abstraction qui bouleverse notre perception de l‘échelle, et nous renvoie à de plus grands espaces.

Si l‘on peut parler de close up pour les images, et de synecdoques pour les titres, on peut, comme l‘on peut inverser le très près et le très loin, dire que les images sont des synecdoques, en ce sens qu‘elles s‘attachent, elles aussi, à désigner une partie pour le tout. Les titres alors, sont des close up, des gros plans sur un détail de l‘image.
Là réside la complexité du travail de Marine Lanier : c‘est une approche tout à la fois littéraire et picturale, non pas en parallèle mais plutôt sur des lignes qui s‘entrecroisent et s‘intervertissent. Marine Lanier est auteur de photographies et de titres.

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Plus loin dans les séries de photographies, on tombe sur un troisième visage. Celui-là s‘appelle L‘Empreinte. Cette fois, il y a le corps aussi, le torse taché par le raisin, bleui, comme tuméfié.
Puisque le titre indique une empreinte là où nous voyons un homme, alors on scrute, on cherche ce détail dans l‘image qui déjà en est un. On se rapproche encore. C‘est une histoire d‘emboîtement : l‘empreinte, c‘est l‘image entière, détail d‘un plus vaste paysage, et l‘empreinte, c‘est aussi cet endroit minuscule sur le bras de l‘homme, la trace d‘une main plongée dans des grappes de raisins, essuyée sans s‘en rendre compte. L‘empreinte, c‘est également cette photographie, trace du travail du viticulteur, de son labeur, de son visage aux dents serrés, fixés par la chambre.
Empreinte, Suie, Crâne. Ces mots appartiennent au langage archéologique, à l‘étude l‘humain dans ses traces, dans ce qu‘il laisse après avoir disparu. De la poussière et des os. Avec ses titres, Marine Lanier fait du vivant – humain comme nature – un sujet d‘étude. Rien de cynique ni de morbide ; plutôt un travail de conservation et de préservation des traces de tout ce qui est organique, de tout ce qui respire. Un inventaire. La photographie d‘une main tachée de lie de vin s‘appelle Fossile. Marine Lanier exhume ce qui n‘est pas sous terre. Elle scrute et désigne ce qui était là comme manifestation d‘un monde toujours vibrant et toujours avançant.

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« Toute la journée du lendemain ils se déplacèrent à travers le brouillard dérivant de fumée de bois. Dans les ravins la fumée sortant du sol pareille à de la brume et les minces arbres noirs se consumant sur les pentes pareils à des bosquets de cierges païens. Tard dans la journée ils arrivèrent à un endroit où le feu avait traversé la route. Le macadam était encore chaud et plus loin il commençait à ramollir sous leurs pieds. Le mastic noir brûlant se collant à leurs chaussures comme des ventouses et s‘étirant en minces rubans noirs à mesure qu‘ils avançaient. Ils firent halte. »

La photographie Résidus : un sol noirci, de la terre ou des cendres. Parmi les branches calcinées, certaines ont été épargnées et brillent comme des os polis. On dirait que c‘est la fin du monde. Quelque chose qui en a fini de brûler, c‘est toujours la fin d‘un monde. Mais : la lumière blanche, sourde, qui vient se déposer sur les morceaux de bois et éclaire le sol par endroits. Ça ne s‘éteint pas ; ça recommence. Et, au loin, le lit d‘une rivière. Ça court, une rivière. Ça avance.
Les résidus, c‘est ce qui reste malgré la fin, qui traverse les temps et vient nous parler de ce qui a eu lieu. Dans le choix de ce mot est contenu ce qu‘on conserve, ce qui est déjà mort, ce qui vit et recommence : la nature même, dans son éternel cycle.

Marine Lanier vit et travaille dans une région dont elle est originaire et qu‘elle connaît bien. Ces photographies sont ancrées dans ce territoire et dans ce sol-là, et c‘est ainsi qu‘elles peuvent en partir et évoquer d‘autres espaces, l‘Ouest américain, l‘Océan Atlantique ou la Grèce Antique.
Le lieu de la prise de vue est toujours précisé dans les titres des images. Ses photographies de lichens, de mousse, de bois calciné et de brasiers évoquent une nature sauvage et primitive, intemporelle. Les quelques hommes qui surgissent de temps à autres sont des êtres-animaux, des bêtes, au corps épais et à l‘odeur âcre. Ils sont comme des arbres ; de l‘écorce et des racines. Ils sont beaux comme la nature est belle : c‘est-à-dire coriace, indépendante et vibrante.

Le cadre resserré, le titre s‘attachant à un détail, le lieu spécifié : tout tend vers une extrême précision, faisant de chaque photographie quelque chose d‘exhaustif, d‘entier. Pourtant, en même temps que ces indications précisent, elles nous éloignent. Elles déplacent l‘attention. Comme il y avait tout à l‘heure un déplacement de la figure de style littéraire au cadrage photographique, faisant qu‘on lisait une image et qu‘on scrutait un titre, il y a ici un déplacement de l‘attention de celui qui regarde. Les titres, les indications de lieux, de dates, renvoient l‘image à sa propre abstraction ; elle ne prouve rien de ce qu‘elle est supposée « montrer ». Lorsqu‘on lit « Drôme, 2008 », la photographie était partie bien ailleurs dans notre tête, sur une île de la Méditerranée, au début du siècle dernier. Ce qui dans notre œil est une image de la Terre vue d‘en haut, avec les mers et les continents, porte le nom Lichen. Les images s‘émancipent de leurs titres, se décalent.
Le déplacement parfois est à l‘intérieur de l‘image même. On sombre parfois dans des espaces béants de l‘image, des trous noirs. On plonge dans un morceau de peau grossi mille fois ou dans le cosmos le plus étendu dans lequel flottent les filaments d‘un monde pas encore né. Dans la photographie Ombre, l‘absence de lumière à un endroit ne fait pas que recouvrir le sol et le masquer : elle le creuse et transforme ce morceau de l‘image en porte vers une autre dimension. C‘est une brèche ; elle nous éloigne. Si l‘on se concentre sur elle, on voit le bruissement propre aux choses en train de naître, la sourde vibration d‘un présage.
« Le noir dans lequel il se réveillait ces nuits-là était aveugle et impénétrable. Un noir à se crever le tympan à force d‘écouter. Il était souvent obligé de se lever. Pas d‘autre bruit que le vent dans les arbres dépouillés et noircis. (…). Une vieille histoire. (…) Il entrait à grandes enjambées dans le néant, comptant les pas pour être sûr de pouvoir revenir. Yeux fermés, bras godillant. (…) Une chose sans nom dans la nuit, filon ou matrice. Dont ils étaient lui et les étoiles un satellite commun. Comme le grand pendule dans sa rotonde transcrivant tout au long du jour les mouvements de l‘univers dont on peut dire qu‘il ne sait rien et qu‘il doit connaître pourtant . »
Ces zones, des no man‘s land photographiques sont comme un aveu de l‘appareil photographique – de son incapacité à tout fixer, et nous laissant alors avec un rien vertigineux, un vide infini comme celui, impossible à se figurer, du cosmos.

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A chacune des séries de photographies, Marine Lanier associe un texte littéraire. Plus qu‘un accompagnement ou qu‘une citation, ce texte est à chaque fois comme une autre image qui viendrait s‘ajouter à la série. On ne sait si c‘est le texte qui a suscité les images, ou si ce sont les images qui ont conduit au texte. Ce qu‘on devine, c‘est qu‘il y a derrière ces rapprochements, ces frottements de la littérature avec la photographie, une intention de lectrice.
Les extraits que Marine Lanier choisit et place dans ses séries photographiques sont empruntés à Joseph Conrad, Jack London, Blaise Cendrars, Calamity Jane, mais aussi Gilles Deleuze, Virginia Woolf ou Denis Diderot. Ce sont des mots qu‘on lit, mais ce sont des images qu‘on voit. Des paysages amples, des chevaux lancés au grand galop dans de poussiéreux déserts, des craquements et des souffles de bêtes. Il y est question de survie et d‘extrême, de monstres marins, de glace, de forêt, de guerre. Souvent, ce sont des histoires lointaines. Des auteurs datés dans des lieux éloignés, ramenés au plus près, ici, dans un morceau de buisson vert sombre de la Drôme. Marine Lanier parle de « césure ». Césure géographique, césure temporelle. Encore une fois, c‘est un déplacement : déplacement des mots vers l‘image, déplacement d‘un récit qui se passe en pleine mer, dans le Far West ou en Alaska, dans les paysages drômois ou arméniens. Surtout, par cette césure, c‘est une confusion qui est provoquée : tout comme un gros plan nous laisse libre d‘imaginer le hors-champs, l‘association d‘un texte à une série photographique brouille l‘époque et le lieu de la prise de vue, brouille la lecture qu‘on fait d‘une image. Elle élargit l‘espace dans lequel on la situe.
Plus qu‘une association de la littérature et de la photographie, Marine Lanier met en évidence l‘évidente porosité qui existe entre les deux ; ils se frottent et se ressemblent.
Touchant à la littérature, les photographies touchent à la fiction, et touchant aux lieux et aux temps, elles touchent aussi à l‘Histoire et à la Géographie. Les photographies condensent et font circuler ces notions.
Parlant de Julien Gracq, Jean-Louis Tissier écrit : « Lire un récit de Julien Gracq, c‘est, pour un géographe, une curieuse expérience. […] Peu à peu le sentiment de dépaysement s‘estompe et fait place à celui que l‘on est en quelque sorte en pays de connaissance. Tout se passe comme si la fiction nous proposait la conquête d‘un espace géographiquement idéal . »
Cette impression de conquête du paysage est présente dans les photographies de Marine Lanier : de part le rattachement à la fiction, mais également à la précision avec laquelle les lieux sont observés, témoignant d‘une certaine connaissance géographique et historique de l‘espace.

« Bien longtemps avant de l‘enseigner, dès mes années de lycée, le continuum Histoire-et-Géographie a été pour moi une réalité familière, une référence spontanée : c‘est la forme concrète que revêtent pour moi spontanément le temps et l‘espace, c‘est le canevas unifié continu sur lequel se projettent pour moi d‘eux-mêmes aussi bien les événements que mentionne le journal que les fictions que j‘imagine .»

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Le travail de Marine Lanier réside donc dans les interstices créées par les déplacements et les césures. Déplacement du titre vers l‘image, du détail vers l‘ensemble, de la littérature vers le photographique, d‘une époque vers une autre, d‘un espace vers un autre. Ces mouvements forment des espaces intermédiaires, innommables et secrets, dans lesquels celui qui regarde – celui qui lit – peut se glisser pour s‘approprier l‘image. C‘est sa place, son point de vue pour pouvoir projeter ce qu‘il veut. C‘est là que naissent les histoires. Ce sont des portes.
Les déplacements permettent les résonances : elles permettent de nous faire sentinelle et de nous placer à un poste d‘observation où l‘on peut avoir la vue la plus large. Où l‘on peut regarder de façon aiguisée, contempler les ensembles faits de détails, de séries, de textes et d‘images. C‘est dans ces espaces que les échos se font ; qu‘on envoie les choses au plus loin et qu‘elles nous reviennent réverbérées, multipliées, associées à d‘autres.
C‘est à cet endroit aussi que se place Marine Lanier : avec sa chambre, elle assemble et contemple, s‘éloigne et se rapproche. Elle écoute et voit. C‘est à cet endroit qu‘ensuite elle regarde ses images, les étudie, et les compose. De là naissent les séries, images associées qui dialoguent entre elles.
Ce travail de la série fait que des photographies peuvent appartenir à plusieurs ensembles, et qu‘ainsi elles résonneront différemment. A la manière d‘un atlas ou d‘un inventaire, Marine Lanier rassemble des images qu‘elle déplace – là encore – pour raconter. Entre les séries aussi, quelque chose continue de résonner. Ainsi, on rencontre par hasard une autre photographie qui s‘appelle Fossile, et sur laquelle on voit un crâne, rond et granuleux comme une pierre, posé au sol, tout proche dans notre tête d‘un visage au même titre, croisé un peu auparavant.
Quelque part ailleurs, une photographie s‘appelle Les Pelles. Elles sont deux et reposent. On pense aux mains durcies et moites qu‘on ne voyait pas, sur les photographies des visages. Peut-être ont-elles tenues ces pelles-là.

Dans une série récente intitulée Les Vagues, est photographié, en close up, un cours d‘eau mouvementé. L‘eau et l‘écume mêlées, les remous. Les vagues apparaissent là comme une métaphore de ce qui revient et repart, de ce mouvement d‘approche et de recul simultanés qu‘on retrouve à tous les niveaux du travail de Marine Lanier. L‘eau, de si près, est pareille aux cirés verts : luisante, lisse et froissée, selon les endroits. Cette série fait également écho au livre éponyme de Virginia Woolf , lequel est une série de fragments d‘images et d’impressions qui résonnent et se répètent, vont et viennent.
Le travail de Marine Lanier est un ensemble fait d‘images et de textes, de sensations et de couleurs. L‘ensemble se déploie et se replie, s‘inverse. Chaque partie résonne sans cesse avec une autre.
En les regardant autrement, les photographies des Vagues semblent être les morceaux d‘une étoffe froissée dans lesquels le vent s‘engouffre. On s‘imagine tendre les bras et dérouler ce morceau de tissu précieux un peu abîmé par le voyage. Le laisser choir au sol dans un bruit empesé, et contempler ses plis, ses endroits d‘ombre qui nous perdent. Il faut ensuite se pencher, explorer les recoins, y plonger, et rejoindre d‘autres images, toutes contenues dans celle-ci, toutes contenant autre chose.

1 Fernand Léger, Peinture et cinéma, 1925, cité dans D.Banda et J.Moure, Le cinéma, l‘art d‘une civilisation, coll. Champs Arts, Flammarion, Paris,
2 W.G. Sebald, Les Anneaux de Saturne, traduit de l‘allemand par Bernard Kreiss, coll. Babel, Actes Sud, Arles, 1999 (é.o. 1995)
3 Cormac McCarthy, op.cit.
4 Jean-Louis Tissier, La carte et le paysage : les affinités géographiques, dans : Julien Gracq, Actes du colloque international, Angers, 21-24 mai 1981, Presses de l‘Université d‘Angers, Angers, 1981.
5 Julien Gracq, Préférences,

Nina Ferrer-Gleize, Étival, Strasbourg, Paris, 2013